LANCEMENT DU PREMIER EVENT le 01/04/2024Soyez au rendez-vous !
O-Bon était une fête sacrée pour l'Orthodoxie. Elle était à la fois la célébration de la naissance de l'Orthodoxie et à la fois la fin de l'Âge Mort. Elle rassemblait énormément d'exorcistes à travers le Japon qui venaient se déplacer exclusivement pour cette occasion. Cette année, en 2035, elle avait lieu à Nagoya, dans la cathèdre du Sud, chez les Kamo. C'était une occasion exceptionnelle pour chaque clan de montrer ce qu'il valait.
Les enjeux de politiques intérieures battaient toujours leur plein durant cette période. Et pourtant...
La plus grosse inconnue de toute cette équation se résumait à une variable : les autres factions. Que faisaient-elles pendant une journée aussi importante ? Il fallait regarder la réalité en face. Elles étaient tout aussi concernées par la fin de l’Âge Mort que l’était l’Orthodoxie. Sauf qu’elle n’avait pas la prétention d’en être à l’origine. En effet, l’extension du territoire de l’Apocalypse avait atteint toutes les formes de vie présentes sur Terre. Occultes et matérielles. Toutes les perceptions avaient été touchées. Elles avaient été unanimement sujettes à son emprise insupportable et infinie.
Le temps se consumait de façon différente pour chaque monde et les conceptions de cette date variaient. Les fléaux qui fêtaient la fin de l’Âge Mort allaient chercher l’origine de cette fête dans la quête qui avait mené les 9 empreintes exceptionnelles d’énergie occulte à communiquer à travers les ténèbres les plus absolues. Néanmoins, le moment ressenti de la fin du calvaire était une référence temporelle unanime. Au cours de cette journée spéciale, l’heure exacte de l’arrivée de Taemanai était déterminée au lever du soleil. Son axe complexe demandait des précisions de dernières minutes. La vague mémorielle retentissait dès que tout s’alignait parfaitement, à nouveau. Le 1 avril était un jour spécial pour tou(s) le(s) monde(s).
Cet événement avait scellé un point d’ancrage dans le défilement du temps. Un poinçon sur la bande défilante. Quelque chose qui n’était pas malléable. Un arrêt dans le cours des choses auquel rien, personne ne pouvait s’esquiver. Car c’était finalement le “tout” qui avait repris forme depuis la fin de l’Âge Mort. Tout ce qui nous composait et nous consumait se devait à cet instant crucial de l’histoire de l’existence…
Nodame Kamo
Cheffe du clan Kamo, administratrice de la cathèdre de Nagoya – Loges du primat blanc – 7h02
Toc toc toc. Trois claquements polis... Puis la porte s’ouvrait pour laisser passer le visage d’un commis du clan. Il tenait un plateau d’argent dans une main.
Pour autant, aujourd’hui, c’était différent. Il s’agissait d’une occasion assez spéciale. Raison pour laquelle j’avais besoin de quelque chose de doux, léger et réconfortant ce matin. J’avais besoin de me détendre avant d’entamer les hostilités. Parce que cette journée… Mon dieu, cette journée… Père l’attendait depuis si longtemps. Et il n’était même plus là pour la vivre. Est-ce qu’il savait que j’accomplissais son rêve ? Est-ce qu’il était en mesure de me voir faire ? Qu’en aurait-il pensé ? Qu’aurait-il fait ?! J’y étais parvenue. Seule. Après d’interminables négociations avec Tokyo. Après d’innombrables résolutions. Des concessions… par centaine. J’y étais enfin parvenue.
J’étais partagée entre l'anxiété ultime et l’excitation absolue. Cette année, nous hébergions la fête d’O-Bon. Les cérémonies se déroulaient dans nos locaux, à Nagoya. Cela faisait depuis plus de dix ans que la réception de cette importante fête de l’Orthodoxie exorciste nous passait sous le nez. Dix années qu’elle nous l’était volée de justesse. Il y avait tellement d’enjeux qui se jouaient. Le sans-visage allait sûrement faire son apparition au beau milieu de la fête. Il allait nous bénir de sa présence exceptionnelle et plus que pour nous féliciter, je suis sûre qu’il venait ici pour nous juger. Tous et toutes autant que nous étions, notre vision des choses, notre façon de penser la fête. C’était un événement crucial de son existence qui nous dépassait tous ici.
Finalement, tout ce faste était destiné à plaire plus qu’à commémorer. C’était un accord tacite, une convenance politique qui s’était transformée en jeu de séduction sous-entendu. Car cela représentait tellement plus de choses pour lui que pour nous, en réalité. Chaque année, il devait revivre ces moments de conscience que nous ne pouvions même imaginer. Et nous devions lui faire comprendre, aujourd’hui, que son héritage était bel et bien honoré tout en essayant de tirer notre épingle du jeu.
Vaincre l’Apocalypse, considéré comme le plus grand fléau de tous les temps, en invoquant un shikigami inexistant, mais tout aussi puissant, trouvé depuis une autre dimension, à travers un portail à dimension planétaire… Cette bataille pour le sort de la Terre… contenue en une fraction de secondes, gagnée au sacrifice de tant de choses. Je me demandais comment j’aurais pu juste… vivre après cela.
Il devait être 7h du matin, environ. Peut-être plus. La journée s'annonçait longue, très longue… mais d’un autre côté, j’étais persuadé qu’elle allait passer en un clignement d'œil. Il y avait trop de choses en jeu pour que cela ne soit pas le cas. En un sens, il s’agissait finalement d’une évaluation dans laquelle j’allais devoir prouver mes qualités en tant qu’hôte de la fête. Ma concentration était déjà à son maximum quelques heures. Il ne pouvait pas en être autrement. C’était le mot d’ordre. Je devais montrer notre clan sous son meilleur jour. Cela ne faisait que 7 ans que j’étais devenue l’administratrice de cette cathèdre historique, j’étais la plus jeune de toutes les têtes dirigeantes de l’Orthodoxie, et pourtant… j’avais déjà prouvé à maintes reprises que j’étais digne de mes prédécesseurs. J’ai terrassé toutes les promotions de l’Académie de Nagoya et de Tokyo dès la première année. Sur tous les aspects. J’ai repoussé les limites pédagogiques ! J’ai même sublimé nos traditions ! Et aujourd’hui encore, je devais oeuvrer pour les porter au pinacle. Car dans le fond, je savais très bien ce qui se tramait…
Je me levais de ma chaise pour faire les cent pas dans ma loge en jetant un coup d'œil, parfois, depuis ma fenêtre, à la place et à la petite forêt qui jouxtait notre domaine, le Tenshukaku des Kamo. L’intégralité des places de Tempaku-ku m’appartenait depuis ce lieu sacré. Je voyais des petites fourmis grouiller. Plein. Partout. Elles s’activaient pour installer les infrastructures. Elles le faisaient dans une coordination machinale qui ne trompait pas. Elles fonctionnaient avec le même cerveau. Des groupes d’individus dédoublés qui s’évertuaient à monter des chapiteaux, à bâtir des estrades et des scènes dans le même mouvement… Non, je devais me l’avouer. Cet homme savait ce qu’il faisait. Assurément. Kensei Tsuin gérait cela avec tant d’entrain que j’en venais même à me demander de quel côté son clan se tenait réellement. Je ne l’aimais pas, ce vieil espiègle, car j’avais été éduquée à le faire, mais mon objectivité académique me forçait à reconnaître son talent pour l’organisation.
Ses petits soldats mettaient en place l’architecture que j’avais demandé à Genrō Zen’In. C’était assurément ce qui expliquait l’effervescence de notre institut. Chaque détail était inspecté par mes recteurs en bas. Ils m’assuraient, par intermittence télépathique, qu’ils avaient tous été rigoureusement respectés. Mes synapses vibraient déjà à 3 heures du matin. Pour l’instant, il ne s’agissait que de bonnes nouvelles. Sauf que… j’attendais forcément la mauvaise. Elle n’était pas encore arrivée. Dommage. Vraiment dommage. Je ne savais pas si je devais m’en réjouir ou m’en préoccuper.
Sae Tsuin
Cheffe de travaux du clan, considérée comme la plus ancienne logisticienne – Place fleurie de Tempaku-ku – 9h17.
Ah d’accord. Je vois le genre. On va nous dire qu'ils n'ont jamais vu ça. J’y crois pas une seule seconde. Je vais rien dire, mais... je veux pas qu’on pense que c’est parce que c’est chez eux qu’on l’a fait comme ça. C’est juste que… Bah… C’était leurs idées, quoi. Nous, on a juste mis en place. On s’est appliqué. Ils ont bien bossé, les gars. Sérieux, hein. Même les deux-trois kuso-gaijin qui nous ont rejoints… mais quand les bases, c’est du vu et revu, qu’ils nous empêchent tout ajout non-conventionnel, on peut pas faire des miracles d’exotisme, même avec l’exorcisme. Leurs normes à la con nous ont bridé. C’est un fait !
L’année dernière par exemple, c’était Tokyo. Et putain. Qu’est-ce que ça envoyait. Du Genrō Zen’In tout craché. Du grand Monsieur je-ne-fais-jamais-rien-comme-tout-le-monde-parce-que-je-suis-le-boss. En bonne et due forme. L’intégralité du festival s’était déroulée dans une dimension spéciale, générée directement par le Grand-Esprit lui-même, avec plusieurs points d’accès sécurisés, qui menaient tout droit à des cérémonies grandioses avec des installations technologiques, des spectacle pyro-occultes, de la VR/VO (virtual reality/vision occulte), des simulateurs d’extension de territoire… Le cerveau de ce mec est complètement pété par l’alcool et la drogue. Je suis prête à le jurer par serment. Mais c’est ce qui le rend aussi doué. Il fallait avoir des trous dans la tête pour oser sauter autant d’étapes dans l’Orthodoxie.
En tout cas, Nodame Kamo se fait chier pour prouver qu'elle n'en a aucun, elle… de trous dans sa tête. Plus protocolaire, plus portée sur les détails de principe, les us et les coutumes, tu crèves. La bouche ouverte, hein.
K’sooo ! On sait tous très bien ce que signifient les cérémonies d’O-Bon au sein de l’Orthodoxie. Je vous le donne en mille : cette fête, c’est un putain marché des talents. Un speed dating à grande échelle entre les membres de l’Orthodoxie et les têtes des 7 clans… Chaque année, ils se battent tous pour attirer les pépites des autres clans chez eux en leur promettant une adoption, de l’influence, des avantages au sein de l’organisation, et tout un tas d’autres conneries. Ils n’ont aucune limite. Et ça me fait trop rire. Car c’est l’un des seuls moments de l’année où tout est aussi… décomplexé ! assumé ! Il suffit de se poser, de regarder autour de soi, pour voir les gens comploter explicitement. C’est fou, en vrai, de se dire ça. Mais, voilà, c’est la convention qui s’est imposée avec le temps… et je dois dire que moi, je trouve ça sugoi.
Ouais… J’ai bien mérité ma pause clope, en vrai.
Kekomi Iwata
Exorciste libre de classe 2, missionné de temps en temps par la Garde de Chubu
– Place fleurie de Tempaku-ku – 13h35
Quelle journée c’était. Quelle journée vraiment. Je me faisais déjà une idée assez particulière de cet évènement, car habituellement, je n’aimais pas trop frayer dans les manigances de l’Orthodoxie et je trouvais que tout sonnait faux, la plupart du temps. Surtout pour O-bon et Go-Kankousai. Les deux événements les plus corrompus de tous. On venait pour qu’ils nous choisissent. “S'il-vous-plaît… ADOPTEZ-MOI ! PAR PITIÉÉÉÉÉ ! WAF WAF !” Bon d’accord, le waf waf était peut-être de trop, mais comment ne pouvait-on pas devenir sarcastique face à autant d’arrogance ? Tout ce qu’ils attendaient de nous, c’était que nous nous fassions belles pour eux, du petit maquillage, tout ça tout ça, que nous nous mettions en ligne, en souriant, toujours dans l’élégance, pour nous sélectionner comme dans le Bachelor. Et quand on n'avait pas forcément envie d’adhérer à ce jeu de téléréalité grandeur nature à la mord-moi-le-noeud, on se faisait mettre sur le côté. Bien gentiment.
Pour un mec comme moi, qui avait toujours dédaigné ce cérémoniel douteux, ce faste choyé, je finissais par me dire que cette année, c’était quand même différent. Je n’étais pas devenu carrément niais du jour au lendemain, mais le début de la fête avait été annoncé de la meilleure façon : Sho Jou en personne était arrivé au cours de la matinée, vers… allez, dix heures et demi, pour présenter les cérémonies et entamer un petit discours. Sa voix traversante nous avait tous parlé. Je n’avais pas eu la chance de le voir de mes propres yeux, j’étais en train d’arriver de Gifu, mais je l’ai entendu. Il ne discutait avec personne, il ne visait personne, il traversait le sens avec ses mots. C’était complètement surréaliste comme monologue. Et… je dois avouer que j’ai été encore plus piqué à ce moment-là.
Enfin quelque chose qui n’avait pas vocation à susciter l’admiration d’une seule enseigne clanique. Je me doutais déjà qu’en offrant le lead à Nodame Kamo, réputée pour incarner la performance et la réappropriation des traditions comme réponse face à la modernité Zen’In, sur cette fête, on allait assister à quelque chose de spécifique. Je ne la connaissais pas personnellement, mais les Kugen avec qui j’avais l’habitude de collaborer me parlaient souvent d’elle comme d’une personne obsédée par la réussite dans les règles. Une faiseuse de doctrines qui apprenait toutes les lois, toutes les notes, tous les écrits à la lettre… et qui, dans son talent, savait les réutiliser en les conjuguant pour en développer la logique intellectuelle. Ah, il y avait tout à parier que Genrō Zen’In avait sous-estimé la précision de la Dame Kamo… mais bon, cet homme de l’ombre était connu pour avoir toujours un atout supplémentaire dans sa poche… Attendez, j’étais vraiment en train de faire mon narrateur, là ?! Noooon, putain ! Il fallait quand même se le dire : ils avaient bel et bien réussi à me faire rentrer dans la danse.
À la base, je venais pour le festival en lui-même, hein. Je voulais voir si ce qui avait été promis par Nagoya avait été réellement suivi. Cela faisait depuis presque… Woaaah… 25 ans (peut-être un peu moins ?) que la réception d’une fête d’O-bon ne s’était pas faite autour d’une seule famille, l’hôte en question, mais plutôt de plusieurs cérémonies et de différents clans. Il y avait, je pense, à travers cette volonté exceptionnelle de laisser la place aux autres, l’ambition de montrer la nouvelle ouverture du clan Kamo. Une ouverture sans aucun doute de façade… On se doutait bien que le sas d’entrée était piégé. Pour autant, je voulais voir les traditionalistes tenter de se montrer avenants. Et de ce que je voyais, il fallait se l’avouer : c’était franchement réussi. Il était bien difficile de faire abstraction de la qualité de ce festival qui, autant sur le plan esthétique, nous permettait d’entrer dans un univers floral traditionnel, dont les couleurs, les textures et les formes s’adaptaient aux ambiances du parcours, et autant sur le plan événementiel, nous invitait dans des aventures différées et différentes, pour partager les cultures de chaque ethnie exorciste.
En arrivant par les jardins fleuris, on pouvait déjà apercevoir l’immensité du domaine des Kamo. Le château des Kamo qui surplombait tout Nagoya. Là où, je suis sûr, que tout se passait. La petite forêt qui le bordait, bruyante, mobile. Les sakuras laissaient place à des arbres verts, plus denses. Les troncs étaient décorés de bijoux, de couronnes florales, de statuettes… C’était scintillant de perfection. Un des sanctuaires les plus anciens du Japon qui s’illuminait pour accueillir et mettre en lumière les cérémonies de trois autres clans.
Koutetsu, Kugen et Tsuin. Les trois gagnants du loto. Je ne savais pas comment ils s’y étaient pris exactement, mais cela semblait assez convenu finalement : un représentant de chaque cathèdre (tokyo-nagoya-sapporo) pour satisfaire tout le monde. Il fallait savoir lire entre les lignes, et là, pour le coup, ça devenait assez évident. Les Kugen avaient été mis en premier dans le parcours du festival pour qu’on participe plus facilement à leur cérémonie et qu’elle se transforme finalement en une sorte d’épreuve à laquelle la plupart des visiteurs pouvaient participer. Le bosquet leur appartenait pour cela. J’en étais persuadé. Je m’y aventurais minutieusement. Un fond de musique traditionnelle nous guidait jusqu’à un amphithéâtre d’appoint. Un stand d’entrée qui offrait un buffet. Oh… Des banh mi ! WAF WAF ! AH AH AH ! Nan, je déconne. Il fallait encore voir ce qu’ils avaient à proposer concrètement.
Si je comprenais bien, il nous suffisait d’entrer dans le portail pour…
Ah, mais oui, d’accord. Je n’avais pas capté qu’il lisait dans les pensées… Oh le con. Bon, foutu pour foutu, autant se décaler sans trop trainer. Je m’étais déjà assez ridiculisé comme ça.
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Le temps se consumait de façon différente pour chaque monde et les conceptions de cette date variaient. Les fléaux qui fêtaient la fin de l’Âge Mort allaient chercher l’origine de cette fête dans la quête qui avait mené les 9 empreintes exceptionnelles d’énergie occulte à communiquer à travers les ténèbres les plus absolues. Néanmoins, le moment ressenti de la fin du calvaire était une référence temporelle unanime. Au cours de cette journée spéciale, l’heure exacte de l’arrivée de Taemanai était déterminée au lever du soleil. Son axe complexe demandait des précisions de dernières minutes. La vague mémorielle retentissait dès que tout s’alignait parfaitement, à nouveau. Le 1 avril était un jour spécial pour tou(s) le(s) monde(s).
Cet événement avait scellé un point d’ancrage dans le défilement du temps. Un poinçon sur la bande défilante. Quelque chose qui n’était pas malléable. Un arrêt dans le cours des choses auquel rien, personne ne pouvait s’esquiver. Car c’était finalement le “tout” qui avait repris forme depuis la fin de l’Âge Mort. Tout ce qui nous composait et nous consumait se devait à cet instant crucial de l’histoire de l’existence…
Cheffe du clan Kamo, administratrice de la cathèdre de Nagoya – Loges du primat blanc – 7h02
Toc toc toc. Trois claquements polis... Puis la porte s’ouvrait pour laisser passer le visage d’un commis du clan. Il tenait un plateau d’argent dans une main.
– Votre thé. Avec un nuage de lait et deux sucres, comme vous l’avez précisé. Où puis-je le déposer ?C’était dans mes vieilles habitudes de prendre la mesure de la journée en contemplant mon visage s’éveiller dans la profondeur de mon miroir. Je ne déjeunais pas. À vrai dire, je n’étais pas du genre à manger ou à boire quelque chose le matin. Les viennoiseries, le café, les salades de fruits ou les œufs au plat que les servants du domaine s’appliquaient à me préparer ne me faisaient jamais envie. J’avais beaucoup trop de choses à penser et toute cette orgie de nourriture me révulsait souvent. Je n’y étais clairement pas disposée. Je préférais me faire face et rester dans le silence. Arpenter l’infini qui s’étalait à l’intérieur de mon esprit. Cette méditation, celle qui fixait ma destinée journalière, ne devait jamais être dérangée.
– Vous pouvez le poser ici, fis-je, assez sommairement, en présentant un coin de mon bureau du bout du doigt, sans le regarder. Il s’exécuta sans rajouter quoi que ce soit et me laissa, seule, face à moi-même.
Pour autant, aujourd’hui, c’était différent. Il s’agissait d’une occasion assez spéciale. Raison pour laquelle j’avais besoin de quelque chose de doux, léger et réconfortant ce matin. J’avais besoin de me détendre avant d’entamer les hostilités. Parce que cette journée… Mon dieu, cette journée… Père l’attendait depuis si longtemps. Et il n’était même plus là pour la vivre. Est-ce qu’il savait que j’accomplissais son rêve ? Est-ce qu’il était en mesure de me voir faire ? Qu’en aurait-il pensé ? Qu’aurait-il fait ?! J’y étais parvenue. Seule. Après d’interminables négociations avec Tokyo. Après d’innombrables résolutions. Des concessions… par centaine. J’y étais enfin parvenue.
J’étais partagée entre l'anxiété ultime et l’excitation absolue. Cette année, nous hébergions la fête d’O-Bon. Les cérémonies se déroulaient dans nos locaux, à Nagoya. Cela faisait depuis plus de dix ans que la réception de cette importante fête de l’Orthodoxie exorciste nous passait sous le nez. Dix années qu’elle nous l’était volée de justesse. Il y avait tellement d’enjeux qui se jouaient. Le sans-visage allait sûrement faire son apparition au beau milieu de la fête. Il allait nous bénir de sa présence exceptionnelle et plus que pour nous féliciter, je suis sûre qu’il venait ici pour nous juger. Tous et toutes autant que nous étions, notre vision des choses, notre façon de penser la fête. C’était un événement crucial de son existence qui nous dépassait tous ici.
Finalement, tout ce faste était destiné à plaire plus qu’à commémorer. C’était un accord tacite, une convenance politique qui s’était transformée en jeu de séduction sous-entendu. Car cela représentait tellement plus de choses pour lui que pour nous, en réalité. Chaque année, il devait revivre ces moments de conscience que nous ne pouvions même imaginer. Et nous devions lui faire comprendre, aujourd’hui, que son héritage était bel et bien honoré tout en essayant de tirer notre épingle du jeu.
Nous fêtions...
Nous fêtions le jour où Sho Jou et Taemanai ont vaincu l’Apocalypse.
L’Orthodoxie exorciste avait été construite sur cet exploit cosmique.
C’était là.. notre mythe fondateur.
Nous fêtions le jour où Sho Jou et Taemanai ont vaincu l’Apocalypse.
L’Orthodoxie exorciste avait été construite sur cet exploit cosmique.
C’était là.. notre mythe fondateur.
Vaincre l’Apocalypse, considéré comme le plus grand fléau de tous les temps, en invoquant un shikigami inexistant, mais tout aussi puissant, trouvé depuis une autre dimension, à travers un portail à dimension planétaire… Cette bataille pour le sort de la Terre… contenue en une fraction de secondes, gagnée au sacrifice de tant de choses. Je me demandais comment j’aurais pu juste… vivre après cela.
Il devait être 7h du matin, environ. Peut-être plus. La journée s'annonçait longue, très longue… mais d’un autre côté, j’étais persuadé qu’elle allait passer en un clignement d'œil. Il y avait trop de choses en jeu pour que cela ne soit pas le cas. En un sens, il s’agissait finalement d’une évaluation dans laquelle j’allais devoir prouver mes qualités en tant qu’hôte de la fête. Ma concentration était déjà à son maximum quelques heures. Il ne pouvait pas en être autrement. C’était le mot d’ordre. Je devais montrer notre clan sous son meilleur jour. Cela ne faisait que 7 ans que j’étais devenue l’administratrice de cette cathèdre historique, j’étais la plus jeune de toutes les têtes dirigeantes de l’Orthodoxie, et pourtant… j’avais déjà prouvé à maintes reprises que j’étais digne de mes prédécesseurs. J’ai terrassé toutes les promotions de l’Académie de Nagoya et de Tokyo dès la première année. Sur tous les aspects. J’ai repoussé les limites pédagogiques ! J’ai même sublimé nos traditions ! Et aujourd’hui encore, je devais oeuvrer pour les porter au pinacle. Car dans le fond, je savais très bien ce qui se tramait…
Je me levais de ma chaise pour faire les cent pas dans ma loge en jetant un coup d'œil, parfois, depuis ma fenêtre, à la place et à la petite forêt qui jouxtait notre domaine, le Tenshukaku des Kamo. L’intégralité des places de Tempaku-ku m’appartenait depuis ce lieu sacré. Je voyais des petites fourmis grouiller. Plein. Partout. Elles s’activaient pour installer les infrastructures. Elles le faisaient dans une coordination machinale qui ne trompait pas. Elles fonctionnaient avec le même cerveau. Des groupes d’individus dédoublés qui s’évertuaient à monter des chapiteaux, à bâtir des estrades et des scènes dans le même mouvement… Non, je devais me l’avouer. Cet homme savait ce qu’il faisait. Assurément. Kensei Tsuin gérait cela avec tant d’entrain que j’en venais même à me demander de quel côté son clan se tenait réellement. Je ne l’aimais pas, ce vieil espiègle, car j’avais été éduquée à le faire, mais mon objectivité académique me forçait à reconnaître son talent pour l’organisation.
Ses petits soldats mettaient en place l’architecture que j’avais demandé à Genrō Zen’In. C’était assurément ce qui expliquait l’effervescence de notre institut. Chaque détail était inspecté par mes recteurs en bas. Ils m’assuraient, par intermittence télépathique, qu’ils avaient tous été rigoureusement respectés. Mes synapses vibraient déjà à 3 heures du matin. Pour l’instant, il ne s’agissait que de bonnes nouvelles. Sauf que… j’attendais forcément la mauvaise. Elle n’était pas encore arrivée. Dommage. Vraiment dommage. Je ne savais pas si je devais m’en réjouir ou m’en préoccuper.
Cheffe de travaux du clan, considérée comme la plus ancienne logisticienne – Place fleurie de Tempaku-ku – 9h17.
Ah d’accord. Je vois le genre. On va nous dire qu'ils n'ont jamais vu ça. J’y crois pas une seule seconde. Je vais rien dire, mais... je veux pas qu’on pense que c’est parce que c’est chez eux qu’on l’a fait comme ça. C’est juste que… Bah… C’était leurs idées, quoi. Nous, on a juste mis en place. On s’est appliqué. Ils ont bien bossé, les gars. Sérieux, hein. Même les deux-trois kuso-gaijin qui nous ont rejoints… mais quand les bases, c’est du vu et revu, qu’ils nous empêchent tout ajout non-conventionnel, on peut pas faire des miracles d’exotisme, même avec l’exorcisme. Leurs normes à la con nous ont bridé. C’est un fait !
L’année dernière par exemple, c’était Tokyo. Et putain. Qu’est-ce que ça envoyait. Du Genrō Zen’In tout craché. Du grand Monsieur je-ne-fais-jamais-rien-comme-tout-le-monde-parce-que-je-suis-le-boss. En bonne et due forme. L’intégralité du festival s’était déroulée dans une dimension spéciale, générée directement par le Grand-Esprit lui-même, avec plusieurs points d’accès sécurisés, qui menaient tout droit à des cérémonies grandioses avec des installations technologiques, des spectacle pyro-occultes, de la VR/VO (virtual reality/vision occulte), des simulateurs d’extension de territoire… Le cerveau de ce mec est complètement pété par l’alcool et la drogue. Je suis prête à le jurer par serment. Mais c’est ce qui le rend aussi doué. Il fallait avoir des trous dans la tête pour oser sauter autant d’étapes dans l’Orthodoxie.
En tout cas, Nodame Kamo se fait chier pour prouver qu'elle n'en a aucun, elle… de trous dans sa tête. Plus protocolaire, plus portée sur les détails de principe, les us et les coutumes, tu crèves. La bouche ouverte, hein.
K’sooo ! On sait tous très bien ce que signifient les cérémonies d’O-Bon au sein de l’Orthodoxie. Je vous le donne en mille : cette fête, c’est un putain marché des talents. Un speed dating à grande échelle entre les membres de l’Orthodoxie et les têtes des 7 clans… Chaque année, ils se battent tous pour attirer les pépites des autres clans chez eux en leur promettant une adoption, de l’influence, des avantages au sein de l’organisation, et tout un tas d’autres conneries. Ils n’ont aucune limite. Et ça me fait trop rire. Car c’est l’un des seuls moments de l’année où tout est aussi… décomplexé ! assumé ! Il suffit de se poser, de regarder autour de soi, pour voir les gens comploter explicitement. C’est fou, en vrai, de se dire ça. Mais, voilà, c’est la convention qui s’est imposée avec le temps… et je dois dire que moi, je trouve ça sugoi.
– Bon, je crois que c’est tout bon, non ? Qu’est-ce qu’ils veulent savoir de plus ?
– Il manque toujours quelques fixations sur la scène du Gi (犧)... et améliorer les mesures de sécurité. Les Kugen ont également rapporté qu’il y avait toujours des places manquantes autour de la scène. Ils voulaient réellement que leur cérémonie soit appréciée en tant que telle. Donc, pour l’instant…
– Attends, attends… C’était quoi leur problème ?! Donc, Koyo-kun, t’es en train de me dire qu’ils ont toujours pas trouvé comment protéger tout le monde de la cérémonie et qu’ils veulent agrandir leur nombre de places ? Mais… on est où, là, en fait ? Hein, mon petit Koyo-kun ?! Ils seraient pas un peu en train de se foutre de notre gueule, eux ?!
– Ils m’ont dit qu’ils voyaient avec les Jou pour finir d’établir un rideau malléable autour de la scène de frappe du Gi. Le défi était de trouver une barrière assez souple pour laisser entrer certains types de personnes, contenir leur énergie occulte tout en les protégeant eux-mêmes de leurs propres sorts, leur permettre de déchainer toute leur puissance dans le Gi, sans que cela n’impacte le public, et tout en leur permettant de voir l’action…
– J’entends, j’entends, mais ça n’enlève rien au fait qu’ils soient complètement irresponsables, en plus d’être irrespectueux. De vraies ordures, ces mecs. Raaah… Tiens, tu sais quoi, essaye de leur refourguer un de nos gars. Tu missionneras un vrai de chez nous, tu lui demanderas de diviser son âme de 4 talismans, ou plus s’il le faut, il le fera. Il étendra ensuite un rideau en permanence avec ses clones pour protéger le public, il pourra contrôler les passages au fur et à mesure… Après, s’il lui arrive quelque chose pendant la cérémonie, tu sais très bien ce qu’il se passera. Je te fais pas un dessin, hein…
– Très bien. Nous leur proposerons cela, donc. Je suppose que si les Kamo ne sont pas mis au courant de cet arrangement, tout le monde s’en portera mieux, n’est-ce pas ?
– Exactement, mon petit Koyo-kun. J’ai toujours adoré ce type. Son sens du secret et de la discrétion… Vraiment un petit salaud comme je les aime. En terme de respect de l’architecture demandée, ils ont de quoi être satisfait. Je le dis et je le redis, mais on a suivi leurs instructions à la lettre. Il ne faut qu’ils croient que nous nous sommes trompés quelque part. Regarde. Le doigt tendu vers l’allée qu’on avait construite. Dans l’espace de 17 hectares qu’ils ont pu allouer, on a disposé une artère principale qui permet aux festivaliers de se rendre à toutes les cérémonies rapidement. En arrivant depuis la place fleurie au Nord, on débouche sur la petite forêt qui borde le château des Kamo, là où se déroule la cérémonie des Kugen, le Gi. Leur amphithéâtre de la mort ceinture la scène de part et d'autre. Du grand spectacle en perspective. En suivant le parterre de fleurs qui sillonne le festival, on a installé la scène du concert Koutetsu. Oki Oki, leur cérémonie étrange, se déroulera dans le jardin du château Kamo. D’ailleurs, ils en disent quoi ? Ils faisaient tout le temps chier, eux, de toute façon.
– Le cercle de danse les a satisfaits. C’était une bonne idée de proposer une scène surélevée. Eux qui sont très attachés à la symbolique des choses ont considéré cette approche comme une marque de respect pour le Grand-dresseur, chorégraphe, et le Grand-danseur, interprète. Donc ils ont apprécié l’idée.
– Aaaah… Une drague à peine dissimulée. C’est marrant de voir comment Dame Nodame Kamo se tue à essayer de faire du pied à Ezo Koutetsu, alors qu’elle lui crachait dessus il y a même pas un an… Les kimonos sont réversibles, à ce que je vois. Main sur le menton pour trahir ma réflexion : Nodame a toujours aimé les expérimentations douteuses. C’était un secret de polichinelle qu’elle ne cachait même plus. Alors comme ça, c’est la fléaumorphose, la cible des Kamo cette année. Tiens donc. Les bonnes poires… Si cette grosse tête se doutait de la rapacité du gars, elle ne se serait pas autant donnée pour lui offrir la meilleure réception possible. Elle lui aurait donné des miettes, à peine de quoi faire quelque chose de potable. Dingue qu’elle ne se soit pas rendue qu’elle venait de se faire berner en acceptant des conditions de cérémonie comme ça. Elle s’est faite séduire par leur atout. À n’en pas douter. Les bonnes poires pourries, ouais. Ce gros trimard d’Hokkaido nous chie tous à la gueule. Et il va juste en profiter pour convertir de nouveaux guerriers sans calculer personne d'autre.
– Leur pouvoir est source de convoitises et il sait qu’il incarne la puissance martiale qui nous protège tous du débordement des Calamités. Il avance dans tous les débats avec cet avantage rhétorique… Et puis, la cérémonie d’Oki Oki était clairement un bon parti pour les Kamo. Leur célébration est une transe interactive qui plaît à beaucoup de monde, car elle incite tous les participants à répéter les mouvements improbables du Grand-danseur et à tenter de s’approprier la chorégraphie. C’est un vrai espace de partage que les Kamo ont voulu englober de leur esthétique traditionnelle en la décorant avec des montagnes de fleurs rouges et des figures de ronces.
– C’est clair, mon petit Koyo-kun, mais vont-ils y parvenir ? Les Koutetsu ont le don pour s’accaparer la vedette et imposer leur culture partout où ils vont. C’est à se demander s'ils ne nous sermentent pas à notre insu pour qu’on soit ok avec tout ça… Après, nous ne sommes pas en reste non plus. Il valait mieux ne pas trop s’en vanter, mais oui, on avait pas chômé non plus de notre côté. Puisqu’on était les cuisiniers, on s’était mis les bons morceaux dans notre assiette pour ainsi dire.
– D’ailleurs, à ce propos, nous avons entièrement terminé l’installation de notre cérémonie de Norigae sur le bord du lac.
– Ouais, je sais, j’ai quelqu’un sur place. J’ai vu que vous aviez pris le soin de préparer les lanternes à lancer. C’est bien d’avoir pris de l’avance, les gars. En termes d’encre pour les papiers à secret, j’ai cru comprendre qu’il manquait encore 60 bouteilles. Je suis en train de les faire arriver. De toute façon, nous sommes la dernière cérémonie. On a encore le temps de s’organiser. La décoration est bien ajustée par contre ?
– Les châles et les toiles de métal ont été soudés sur le point d’observation. Les spot de lumière sont également disposés, on les a testés cette nuit. Les spectateurs pourront assister à l’envoi des lanternes dans un noir. De plus, les installations florales, les camélias et les chrysanthèmes, qui entourent le point de confection de la sphère secrète, ont été ignifugées. Est-ce que je dois avertir l’équipe de quelque chose d’autre ?
– Demande à Meruji Saimin de venir sermenter la voûte d’entrée pour sécuriser les secrets qui seront écrits dedans. Elle sait très bien de quoi je veux parler. Elle comprendra tout de suite. Sinon, du reste, tout m’a l’air assez carré. Je vais envoyer mon rapport à Kensei-sama. Tu peux filer si tu veux, Koyo-kun. On sera lancé dans trois quarts d’heures environ.
– Alors, je vous dis à dans trois quarts d’heures, cheffe.
Ouais… J’ai bien mérité ma pause clope, en vrai.
Exorciste libre de classe 2, missionné de temps en temps par la Garde de Chubu
– Place fleurie de Tempaku-ku – 13h35
Quelle journée c’était. Quelle journée vraiment. Je me faisais déjà une idée assez particulière de cet évènement, car habituellement, je n’aimais pas trop frayer dans les manigances de l’Orthodoxie et je trouvais que tout sonnait faux, la plupart du temps. Surtout pour O-bon et Go-Kankousai. Les deux événements les plus corrompus de tous. On venait pour qu’ils nous choisissent. “S'il-vous-plaît… ADOPTEZ-MOI ! PAR PITIÉÉÉÉÉ ! WAF WAF !” Bon d’accord, le waf waf était peut-être de trop, mais comment ne pouvait-on pas devenir sarcastique face à autant d’arrogance ? Tout ce qu’ils attendaient de nous, c’était que nous nous fassions belles pour eux, du petit maquillage, tout ça tout ça, que nous nous mettions en ligne, en souriant, toujours dans l’élégance, pour nous sélectionner comme dans le Bachelor. Et quand on n'avait pas forcément envie d’adhérer à ce jeu de téléréalité grandeur nature à la mord-moi-le-noeud, on se faisait mettre sur le côté. Bien gentiment.
Pour un mec comme moi, qui avait toujours dédaigné ce cérémoniel douteux, ce faste choyé, je finissais par me dire que cette année, c’était quand même différent. Je n’étais pas devenu carrément niais du jour au lendemain, mais le début de la fête avait été annoncé de la meilleure façon : Sho Jou en personne était arrivé au cours de la matinée, vers… allez, dix heures et demi, pour présenter les cérémonies et entamer un petit discours. Sa voix traversante nous avait tous parlé. Je n’avais pas eu la chance de le voir de mes propres yeux, j’étais en train d’arriver de Gifu, mais je l’ai entendu. Il ne discutait avec personne, il ne visait personne, il traversait le sens avec ses mots. C’était complètement surréaliste comme monologue. Et… je dois avouer que j’ai été encore plus piqué à ce moment-là.
Enfin quelque chose qui n’avait pas vocation à susciter l’admiration d’une seule enseigne clanique. Je me doutais déjà qu’en offrant le lead à Nodame Kamo, réputée pour incarner la performance et la réappropriation des traditions comme réponse face à la modernité Zen’In, sur cette fête, on allait assister à quelque chose de spécifique. Je ne la connaissais pas personnellement, mais les Kugen avec qui j’avais l’habitude de collaborer me parlaient souvent d’elle comme d’une personne obsédée par la réussite dans les règles. Une faiseuse de doctrines qui apprenait toutes les lois, toutes les notes, tous les écrits à la lettre… et qui, dans son talent, savait les réutiliser en les conjuguant pour en développer la logique intellectuelle. Ah, il y avait tout à parier que Genrō Zen’In avait sous-estimé la précision de la Dame Kamo… mais bon, cet homme de l’ombre était connu pour avoir toujours un atout supplémentaire dans sa poche… Attendez, j’étais vraiment en train de faire mon narrateur, là ?! Noooon, putain ! Il fallait quand même se le dire : ils avaient bel et bien réussi à me faire rentrer dans la danse.
À la base, je venais pour le festival en lui-même, hein. Je voulais voir si ce qui avait été promis par Nagoya avait été réellement suivi. Cela faisait depuis presque… Woaaah… 25 ans (peut-être un peu moins ?) que la réception d’une fête d’O-bon ne s’était pas faite autour d’une seule famille, l’hôte en question, mais plutôt de plusieurs cérémonies et de différents clans. Il y avait, je pense, à travers cette volonté exceptionnelle de laisser la place aux autres, l’ambition de montrer la nouvelle ouverture du clan Kamo. Une ouverture sans aucun doute de façade… On se doutait bien que le sas d’entrée était piégé. Pour autant, je voulais voir les traditionalistes tenter de se montrer avenants. Et de ce que je voyais, il fallait se l’avouer : c’était franchement réussi. Il était bien difficile de faire abstraction de la qualité de ce festival qui, autant sur le plan esthétique, nous permettait d’entrer dans un univers floral traditionnel, dont les couleurs, les textures et les formes s’adaptaient aux ambiances du parcours, et autant sur le plan événementiel, nous invitait dans des aventures différées et différentes, pour partager les cultures de chaque ethnie exorciste.
En arrivant par les jardins fleuris, on pouvait déjà apercevoir l’immensité du domaine des Kamo. Le château des Kamo qui surplombait tout Nagoya. Là où, je suis sûr, que tout se passait. La petite forêt qui le bordait, bruyante, mobile. Les sakuras laissaient place à des arbres verts, plus denses. Les troncs étaient décorés de bijoux, de couronnes florales, de statuettes… C’était scintillant de perfection. Un des sanctuaires les plus anciens du Japon qui s’illuminait pour accueillir et mettre en lumière les cérémonies de trois autres clans.
Koutetsu, Kugen et Tsuin. Les trois gagnants du loto. Je ne savais pas comment ils s’y étaient pris exactement, mais cela semblait assez convenu finalement : un représentant de chaque cathèdre (tokyo-nagoya-sapporo) pour satisfaire tout le monde. Il fallait savoir lire entre les lignes, et là, pour le coup, ça devenait assez évident. Les Kugen avaient été mis en premier dans le parcours du festival pour qu’on participe plus facilement à leur cérémonie et qu’elle se transforme finalement en une sorte d’épreuve à laquelle la plupart des visiteurs pouvaient participer. Le bosquet leur appartenait pour cela. J’en étais persuadé. Je m’y aventurais minutieusement. Un fond de musique traditionnelle nous guidait jusqu’à un amphithéâtre d’appoint. Un stand d’entrée qui offrait un buffet. Oh… Des banh mi ! WAF WAF ! AH AH AH ! Nan, je déconne. Il fallait encore voir ce qu’ils avaient à proposer concrètement.
Si je comprenais bien, il nous suffisait d’entrer dans le portail pour…
– Frapper le Gi, cette boule d’énergie occulte figée, symbole transcendantal d’O-bon, avec toutes les capacités qui sont en ton pouvoir pour lui infliger le plus dégât possible. C’est une rétribution de l’énergie à l’Autre.
– Hein ?! Mais, qui êtes-vous ?
– Il faut bien comprendre que les Kugen, les Jou et les Tsuin ont énormément collaboré pour sécuriser le centre de l’arène de frappe. Les spectateurs sont en train de s’installer… On dit souvent que les premiers donateurs qui s’exercent dessus sont généralement les moins forts. C’est le temps donné aux exorcistes de bas-rang, aux profanes, aux inconnus… Ils chauffent la balle. Attendons deux ou trois heures pour voir les vrais chousensha (挑戦者, challenger). L’ambiance va exploser d’un coup.
– Oh… Euh… D’accord, d’accord, donc là, concrètement, j’allais devoir rester ici pour regarder ça avec lui ? C’était ça le plan ? PAS DU TOUT, EN FAIT ! J’allais déjà faire un premier tour et ensuite, on allait voir. Je crois que j’ai un appel. Allo ? C’est par télépathie, hein… lui fis-je en pointant le bout de ma tête pour mimer un téléphone. Je me reculais en continuant de lui faire face. Ne jamais… JAMAIS… tourner le dos à un agresseur. Continuer de maintenir un contact visuel avec lui. Ne pas lui montrer nos émotions. Leçon n°4 des techniques d’intériorisation mentale en cas de situation stressante de Steven Seagal.
– Je ne sais pas si ces techniques marchent, mais en tout cas, je dois avouer que ce charlatan m’a toujours impressionné. Réussir à faire passer le TAÏ-CHI pour un art martial… Il y a vraiment des imbéciles qui le croient en plus ! Ah ah ah ah ! Bref ! Allez, bonne journée ! Revenez au moins pour les frappes finales des primats blancs.
Ah, mais oui, d’accord. Je n’avais pas capté qu’il lisait dans les pensées… Oh le con. Bon, foutu pour foutu, autant se décaler sans trop trainer. Je m’étais déjà assez ridiculisé comme ça.
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À LIRE - FÊTE D'O-BON
Nous sommes heureux de vous proposer cet évènement d’initiative spécial ouverture qu’est la fête d’O-bon. C’est l’occasion pour nous de tester les mécaniques en place, de vous faire vivre le contexte, et puis, par-dessus tout : de vous faire rentrer dans le vif du sujet.
Plusieurs éléments sont à prendre en compte pour cette fête :
– Au cours de cet événement, qui durera 2 semaines (jusqu’au 16 avril !), le forum sera considéré comme “en fêtes”. Autrement dit, vous pourrez poster librement dans la zone d'événement sans vous souciez de vos restrictions géographiques (y compris ceux qui sont en mission/en négociation, etc.).
– La partie évènement est donc ouverte aux joueurs durant le cours de l’évènement. Vous êtes automatiquement inscrits et invités à l'événement. Les RP seront ensuite transférés à Nagoya à la fin de l’évent. Il s’agissait d’une participation libre. Vous pouvez poster dans tous les topics composants de l’event simultanément : cérémonie, négociation avec pnj et intervention des fléaux.
– Cette fête est essentiellement destinée aux exorcistes, mais toutes les factions sont autorisées à venir. Les fléaux et maîtres des fléaux y compris. On vous invite, néanmoins, à justifier votre présence dans un RP préalable.
– Les topics, au nombre de 12, seront tous ouverts pendant les 2 semaines jusqu’à ce que le MJ ne vienne clôturer en interagissant avec les réponses des joueurs.
– Il y aura en tout 3 types de RP : les cérémonies vous proposeront différents mini-jeux avec des influences sur votre affiliation (danse, pinata, secret reveal) ; les négociations vous permettront d’échanger avec les chefs de clan et de vous présenter à eux en vue d’un éventuel recrutement par la suite ; les interventions des fléaux vous ouvriront vos possibilités de jeux pour vous proposer un gameplay secret (scénarisation de combat, projet d’extermination)...
– En terme de validation RP et de gain (ryos/fe/pi), cet évènement compte comme une campagne principale.
– À l’issue de cet évènement, nous fêterons l’ouverture officielle et définitive de JJK-RPG en organisant une magnifique JJK GAME NIGHT sur Discord. Nous vous attendons tous et toutes. On a préparé du très lourd. Vraiment.
Je crois que c’est tout pour le moment. Les différents sujets de l’évènement vont suivre dans la nuit. Ils apparaîtront au fur et à mesure pour vous laisser le temps de participer à tous, s’ils vous intéressent.
Plusieurs éléments sont à prendre en compte pour cette fête :
– Au cours de cet événement, qui durera 2 semaines (jusqu’au 16 avril !), le forum sera considéré comme “en fêtes”. Autrement dit, vous pourrez poster librement dans la zone d'événement sans vous souciez de vos restrictions géographiques (y compris ceux qui sont en mission/en négociation, etc.).
– La partie évènement est donc ouverte aux joueurs durant le cours de l’évènement. Vous êtes automatiquement inscrits et invités à l'événement. Les RP seront ensuite transférés à Nagoya à la fin de l’évent. Il s’agissait d’une participation libre. Vous pouvez poster dans tous les topics composants de l’event simultanément : cérémonie, négociation avec pnj et intervention des fléaux.
– Cette fête est essentiellement destinée aux exorcistes, mais toutes les factions sont autorisées à venir. Les fléaux et maîtres des fléaux y compris. On vous invite, néanmoins, à justifier votre présence dans un RP préalable.
– Les topics, au nombre de 12, seront tous ouverts pendant les 2 semaines jusqu’à ce que le MJ ne vienne clôturer en interagissant avec les réponses des joueurs.
– Il y aura en tout 3 types de RP : les cérémonies vous proposeront différents mini-jeux avec des influences sur votre affiliation (danse, pinata, secret reveal) ; les négociations vous permettront d’échanger avec les chefs de clan et de vous présenter à eux en vue d’un éventuel recrutement par la suite ; les interventions des fléaux vous ouvriront vos possibilités de jeux pour vous proposer un gameplay secret (scénarisation de combat, projet d’extermination)...
– En terme de validation RP et de gain (ryos/fe/pi), cet évènement compte comme une campagne principale.
– À l’issue de cet évènement, nous fêterons l’ouverture officielle et définitive de JJK-RPG en organisant une magnifique JJK GAME NIGHT sur Discord. Nous vous attendons tous et toutes. On a préparé du très lourd. Vraiment.
Je crois que c’est tout pour le moment. Les différents sujets de l’évènement vont suivre dans la nuit. Ils apparaîtront au fur et à mesure pour vous laisser le temps de participer à tous, s’ils vous intéressent.