LANCEMENT DU PREMIER EVENT le 01/04/2024Soyez au rendez-vous !
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Contre champ’
Absence & repérage
Contre champ’
Absence & repérage
Une bien belle journée de printemps, il aurait été criminel de nous enfermer dans une salle de classe. C’était une évidence, apparemment partagée par notre professeure du jour, le retard s'était transformé en une place vide en face de nous. Si certains stressés restèrent dans la salle de classe, je pouvais pas tenir. Il y avait trop à faire, la lumière était fantastique. Un répit pour étudier oui, mais j’avais soupé des cours d’histoire de l’exorcisme. Il y avait plus important.
J’avais déjà une idée en tête et j’allais être en retard pour la vérifier si je ne filais pas à l’anglaise. À toute à l’heure mes chers camarades, non vous embêtez pas à lever la tête de vos cahiers, les intéressants sont déjà partis, c’est que Furegami qui prend leur suite. Passage obligé par mon casier, l’objet de tous les possibles, qui rend tangible l’imagination. Cette vieille caméra qui m’accompagne depuis plus d’un an, la seule chose pour laquelle je me suis battu avant de quitter la maison. Je la saisis, l’objet trouve sa place dans ma main comme si l’ensemble était parfaitement adapté.
Un rayon de soleil traverse la fenêtre du couloir, pas le temps de contempler plus l’objet désuet. Je cavale, je dévale les escaliers. C’était un peu comme l’école buissonnière, mais seulement pour quelques heures avant que la réalité nous rattrape et que les cours reprennent. Sentiment de rébellion très contenu donc, c’était surtout un sentiment de liberté. Dans mon élan, je m’excuse presque d’ouvrir la porte du bâtiment de l’épaule et de me retrouver dans les rues tokyoïtes. Le sas sans décompression entre l’artifice de l’École aux quelques exorcistes et élèves et l’animation folle de la capitale me troublaient toujours.
Mais pas le temps. Cette fois, je m’excuse vraiment dans le virage de ma course folle, je manque de bousculer un salaryman. Excuses acceptées, je reprends mon chemin en remettant la bandoulière de mon sac en place. Le soleil chauffe mon visage, c’est doux. Enfin j’approche de ma destination, je reconnais les enseignes des commerces, les quelques arbres aux bords du passage qui apportent une ombre et des nuances tout à fait charmantes. J’aurais pu m’arrêter là et commencer à filmer la valse lente des feuilles, le murmure du vent au milieu des cris des moteurs. Bientôt on devrait apercevoir de jolies fleurs éclore. Pourtant ce n’était pas ça que je cherchais.
Bingo.
Petite allée sordide, rayon de soleil du matin qui agrandit les ombres au sol, présence féminine.
Attendez, coupez. Comment ça présence féminine ? Je pensais pas trouver quelqu’un ici. Je vois déjà mes plans tomber à l’eau. Je rabattais l’écran de la caméra et mets celle-ci en veille. La fenêtre de tir était déjà assez courte, c’était d’une certaine poésie. Poésie de l’instant que je cherchais et que j’avais imaginé dans ma tête.
Le soleil darde dans la ruelle, irradiant celle-ci de tout son long, les ombres de chaque élément s’étirent à l’infini tant il est bas. D’un certain angle tout est plat et lumineux, en se décalant d’un pas c’est là que le relief apparaît. Les poubelles propres, les systèmes de ventilation et autre air conditionné, même les quelques linges suspendus aux fenêtres ou un vieux poteau aux câbles électriques devenu inutile maintenant que tout était enterré dans le quartier.
Et cette petite volée de marche devant une porte de secours rouge qui virait à l’orange sous cette lumière. Ça aurait dû être un plan d’un vide immense qui se serait rempli de relief et de contraste à mesure que je bougeais la caméra. Une ode au temps qui passe en timelapse. Mais s’il y avait quelque chose, ça changeait tout. Un peu de nerfs Furegami, tu as une vision, ça coûte pas grand-chose de la concrétiser. Faut juste demander gentiment.
“Est-ce que tu peux sortir du champ ? Juste une seconde…” m’excusais-je presque en armant à nouveau la caméra à mon œil. C’est en faisant la mise au point qu’enfin je la reconnus et que mon sourire revint. Une camarade, enfin en tout cas, quelqu’un de mon année. Je dirais pas qu’on avait eu souvent l’occasion de parler ni même parlé tout court. Le point positif, c’est que ça m’évitait de déranger un inconnu. Le point négatif c’était que cette connue pouvait très bien décider de me foutre une droite parce que je la dérangeais.
Yumi Koutetsu était une tête brûlée, une solitaire qui fonce tête baissée et qui pourtant semblait dans une réussite insolente de tout ce qu'elle entreprenait. Plus une flamme brillante qu'un pétard mouillé. Pour rien gâcher, de ce que j’en avais vu, pour quelqu’un qui venait d’un clan majeur, elle avait une nonchalance appréciable à ce sujet. Divague pas Furegami, attends qu’elle bouge… Qu’est-ce que c’est que ce nouveau reflet dans la chevelure blonde?
Une scène parfaite et un personnage qui vient apporter un déséquilibre par sa seule présence.
Il fallait savoir improviser, ce serait peut-être même mieux que ce que j’imaginais. “En fait non, tu peux juste bouger par là, lui demandais-je en pointant une benne à ordure du doigt. Puis tu t’y accoudes comme ça.” Je lui mimais la scène, il fallait utiliser cette nonchalance. J’aurais le temps plus tard de comprendre ce qu’une de mes camarades faisait là, j’étais même pas sûr qu’elle était venue à l’académie ce matin. De toute façon, j'allais devoir bosser avec des acteurs difficiles un jour. Maintenant, en place, caméra en marche.
Moteur, action.