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leave behind your heart
2025.
Est-ce l’espoir ou le désespoir qui t’a amené jusqu’ici, là où le bateau a difficilement accosté au Japon ? Le désespoir qui t’a fait entreprendre ce long voyage qui aurait pu mal se terminer pour toi, comme il l’a fait pour d’autres, si loin de chez toi avec la volonté de quitter définitivement la Chine, et ce, sans avoir en main les papiers requis. L’espoir qui t’a amené à prendre cette décision, en quête d’une vie meilleure que tout ce que tu as toujours connu, t’accrochant à cette idée que tu puisses connaître autre chose que la misère qui a ponctué ta vie jusqu’ici.
Plus rien te retenait là-bas.
Tu n’avais plus rien à perdre.
Si près et pourtant si loin, alors que vous étiez quelques uns, une poignée, à avoir laissé derrière vous une vie ne menant à rien dans l’espoir de connaître mieux ailleurs. Une poignée à traverser l’océan, à subir les vagues et tempêtes, auprès de quelques marins qui n’auraient pas hésité à vous abandonner si ça voulait dire survivre quelques jours de plus. Car aussi évolué le monde osait encore prétendre être, tu as été témoin d’horreurs qu’encore aujourd’hui hantent des nuits.
D’une réalité qui fut la tienne. Celle de tous ces gens. D’une pauvreté affligeante alors que tu les observais de loin, ces riches qui continuaient de monter toujours un peu plus haut, en entassant les corps de ceux sacrifiés sur l’autel de leurs caprices. Vivant de misère là où d’autres n’eurent pas ce malheur, cruelle injustice qui pesait déjà lourd sur ton coeur.
C’est sans rien que tu es arrivée, descendant du bateau avec quelques individus que tu as appris à connaître, pour ceux que tu ne connaissais pas déjà. Des connaissances qui n’avaient rien d’amis, rien de lui que tu as perdu, dernier ancre qui t’a été arraché, menaçant ainsi de mener à ta perte sans plus rien pour te retenir. Quelques individus à qui tu adressais un sourire presque agréable, forcé au travers la fatigue, plus sincère à ces trois enfants à qui la vie venait peut-être de sourire pour la toute première fois, promesse de jours meilleurs pour ceux qui avaient peut-être encore la chance de ne pas se souvenir de l’obscurité.
Ils ont dit qu’il y avait un bus qui passait non loin d’ici, suivez-moi. Tu n’as qu’un sac qui pend à ton épaule, déjà plus que certaines des autres personnes qui t’accompagnent. Tu ne parles pas très bien la langue du pays, or, là encore, tu as eu l’occasion d’apprendre quelques bases auprès des marins, ceux vous ayant escortés jusqu’ici. De quoi vous permettre de tenir les premiers jours, le temps de retrouver vos repères.
De trouver des repères, même.
D’essayer de vivre, plutôt que survivre.
Une main passant dans le dos d’un des enfants pour les pousser vers l’avant, l’autre ramène quelques mèches sombres vers l’arrière, les dégageant de ton visage, alors que tes prunelles observent les environs. Et que tu arrêtes ton regard quelques instants sur cette silhouette… Différente. Humaine, mais avec ce quelque chose de plus. Ce profond malaise qu’il provoque chez toi, alors que tu as l’impression de croiser son regard. Et alors que nul ne semble l’avoir remarqué, tu préfères simplement secouer de la tête, cligner des yeux et reporter ton regard devant toi, comme s’il n’existait pas.
Après tout, tu es fatiguée, Li Hua.
Déshydratée, aussi.
Les hallucinations n’auraient rien de très surprenant.