LANCEMENT DU PREMIER EVENT le 01/04/2024Soyez au rendez-vous !
Utsunomiya, centre ville, soir de pleine lune.
Ils se ressemblent tous, là, depuis les sommets. En contrebas dans les rues, ils marchent au rythme du dictat. Le vert leur dit quand marcher, le rouge leur dit quand s’arrêter, les sigles clignotants leur disent s’ils ont droit de parler ou s’ils doivent se taire. Ils vont ou reviennent du travail, ils se suivent en ligne sans jamais dépasser, parce que dépasser, c’est se faire remarquer, et se faire remarquer c’est se mettre en danger.
Les gens ne sont pas des gens.
Les gens sont des rouages dans la grande machinerie de l’Empire.
Assis sur le toit, au bord de l'Hôtel Egao, il observe le spectacle de l’Utsunomiya nocturne, un songe sur ses traits. Le visage penché dans la paume de sa main, ses jambes balancent au rythme d’une mélodie sans son, et les chaînes brisées fusionnées à même la chair claquent, à ses chevilles. Aux yeux du profane, l’ordre dans les rues en contrebas semble parfait. Mais au travers de ses yeux dorés, Jian sait - Jian voit.
Il voit les failles.
Il voit les graines du chaos;
Les étincelles de rébellion.
L’énergie occulte, les fléaux mineurs aux épaules de certains passants, les émotions renfermées, intériorisées, fermentées. Un masque blanc, plane, sans reliefs ni couleurs, uniforme et parfait… Mais il voit les bris dans la porcelaine. Il voit comme ce pourrait être facile, pour que le masque brise en plein de petits morceaux.
Il sourit.
Ce serait presque tentant, de déchaîner Niú Mówáng ici.. Mais ce soir, Jian a d’autres projets. Il y pense, laisse son regard vagabonder en contrebas encore quelques secondes… Puis il baille, ferme les yeux, et se laisse tomber tête la première. Une, deux, trois, quatre secondes, un salto avant, et ses pieds se réceptionnent sur la rambarde d’un balcon. Un pas en arrière pour arriver au niveau du sol, et il se retourne, observe à l’intérieur au travers de la vitre… Puis il ouvre.
Un salon plongé dans la pénombre. Pour seule source de lumière et de bruit, la télévision à un volume élevé, sur ChōwaNews, la chaîne des informations - la chaîne de propagande. à l’intérieur, une odeur de renfermé, et autre chose… Des médicaments disséminés sur les meubles, du matériel médical ça et là. En face de la télévision, un fauteuil roulant relié à une potence pour intraveineuse, une poche avec un liquide non identifié. Des signes d’occupation, des signes de vie même… Et pourtant, personne dans ce grand salon. Rien, sinon cette ambiance étrange…
Oppressante.
Jian avise le couloir près du coin cuisine. Porte à gauche, porte à droite, porte de sortie au fond du couloir. Il voit les traces, les résidus d’énergie occulte… Finalement, il s’approche d’un fauteuil et le déplace au centre du salon, face au couloir. Il s’assied, s’accoude, poing contre la joue, confortablement installé. Une œillade en direction de la télévision.
- Au complexe résidentiel d'Utsunomiya Chōten, la situation sanitaire est sous contrôle. L'action rapide de l'Eiseikatsu a permis aux équipes médicales dépêchées sur place d'agir promptement. Tous les efforts sont mis à l'œuvre pour assurer la sécurité de nos concitoyens à l'intérieur et à l'extérieur de la quarantaine. Nous rappelons aux proches que l'accès à Utsunomiya Chōten est strictement interdit au public - Toutefois, vos courriers seront dûment transmis aux résidents lors de cette épreuve. La caméra quitte le présentateur pour présenter un public qui applaudit silencieusement, mains levées mais sans jamais qu'elles ne se rencontrent. La caméra revient sur le présentateur, avec dans le coin supérieur gauche de l'écran un cadre qui diffuse l'image d'un officier en uniforme, proche de l'entrée d'Utsunomiya Chōten. - Un porte-parole de l'Eiseikatsu a annoncé aujourd'hui d'importants progrès de la part des médecins. Un retour à la normale est prévu dans les prochains jours.
Jian tourne le regard sans prêter attention au reste du programme. Il se demande combien y croient, là derrière leurs écran… à ce récit de la quarantaine parfaite, la situation rapidement et efficacement contrôlée. étrange, non ?
L’on autorise les courriers transmis par l’Eiseikatsu, mais les mails et appels à l’intérieur du bâtiment restent sans réponse. Les fenêtres sont toutes fermées sans exception, et il est interdit de filmer l’immeuble. Or, ça, la télé n’en parle pas. Jian sourit de nouveau, puis son attention se reporte sur le couloir…
Puis il relâche doucement son énergie occulte.
Il s’annonce.