LANCEMENT DU PREMIER EVENT le 01/04/2024Soyez au rendez-vous !
La Galerie
inex
plicable
corps sans vie et pointillisme
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corps sans vie et pointillisme
Lumière vive, murs de béton et points de couleurs. C’était une chance, du genre de chance qu’il ne fallait pas laisser filer, du genre de diamant dormant dans les profondeurs qu’il fallait remonter. J’avais essayé de contenir l’excitation, de garder ça pour moi, parce que je ne savais pas sur quel pied danser. Il était temps de rentrer sur la piste. Je relisais machinalement pour la dernière fois les informations que j’avais pu glaner.
Une exposition de Yayoi Kusama, rien que ça. Certes ce ne serait pas un événement d’envergure, comment le pourrait-ce quand l’art se base sur des choses si abstraites ? Il devait pourtant y avoir quelqu’un plus haut qui avait validé ça, un fan rebelle ou une erreur d'inattention, je n’en savais rien. Peut-être jugée inoffensive aussi, après tout. Enfin j’imagine, donc merci de nous laisser cette bulle de fraîcheur colorée. Je quittais l’écran pour lever la tête, pas de doute, c’était bien ici.
Discrète, mais visible, la piste à suivre consistait en un chemin de points colorés. D’abord très peu nombreux au sol, ils commençaient à être plus présents une fois la porte de la galerie franchie. à l’intérieur, un lieu hors du temps. Aucune lumière extérieure, seulement des néons blafards, des suspensions mornes et toujours ce discret chemin de points. Il y avait d’autres indices, bien sûr. Les quelques badauds aux allures bigarrés qui profitaient de l’occasion pour remettre des tenues qu’ils ne se sentaient plus de mettre en société. Les pulsations lentes d’une musique apaisante qui couvraient la fureur de la ville à l’extérieur. Et ce fantastique chemin coloré. J’avais l’image d’une bulle avant de rentrer, elle n’a jamais été aussi vivace.
Nulle part il n’était contre-indiqué, donc je me surprends à laisser ma main filer sur la rugosité du mur coloré, comme si mes doigts allaient pouvoir percer ces bulles ou les cueillir. Je n’avais pas été le seul happé de la sorte, je voyais bien que d’autres mains avaient suivi le même chemin, petits pantins réagissant à des stimuli inconnus, cerveau reptilien qui agit plutôt que réfléchir.
Enfin, l’apothéose, ce qui avait été défini comme une galerie par son entrée quelconque, cachait en réalité un entrepôt de bonne taille ou un ancien parking désaffecté. Un mur avait été abattu pour y accéder. Prévu ou secret ? Qu’importe, ce n'était pas important. Le vernis artistique cachait si bien la ruine et les murs de béton, recouverts de piqûres de couleurs, trompent les perspectives et la profondeur, perdant l'œil dans un jeu de reflets infinis.
C’était… d’abord désagréable parce que je perdais mes repères, puis j’y vis la beauté dans l’inexplicable. Toujours ces suspensions vides de sens, seul mouvement autre que celui des curieux participants, un minuteur formé de points se déplaçant tel du mercure au-dessus d’une porte gardée. Le clou du spectacle devait se trouver derrière et, pour l’instant, nous n’avions qu’à attendre que le temps passe et contempler ce qu’on nous offrait déjà. Ça ne devrait plus être long.
Les autres le comprennent aussi, leurs regards s'orientent par coups d'œil vers cette porte, vers ce qui devait être la suite du parcours. Je suis comme eux, quand bien même j’apprécie aussi la scène proposée ici, le truchement des couleurs et des tenues avec l’explosion des points de Kusama-Taisho créait des volumes toujours différents, toujours en mouvement. C’était hypnotique, c’était labyrinthique, c’était beau et ça me permettait de faire des photographies mentales de tous ceux qui vivront l’expérience avec moi. On en oublierait presque les pulsations des basses, les battements de cœur s’étant calés dessus. Sommes-nous tous au même rythme alors que les pulsations accélèrent et que les dernières secondes s’égrainent sur l’horloge ?
“Messieurs dames, si vous voulez bien vous donner la peine.” Annonça une voix parasitée dans les haut-parleurs avant que les pulsations ne s’arrêtent, que le décompte se finisse, que les lumières ne s’éteignent et que les suspensions trouvent enfin leur utilité.