LANCEMENT DU PREMIER EVENT le 01/04/2024Soyez au rendez-vous !
Keisuke Sakamoto. けいすけ さかもと. Keisu.
Gokiburi pensait souvent à la personne avec qui elle partageait un appartement - tout à fait normal, n'est-ce pas ? De par les voeux du mariage, ils s'étaient jurés de rester ensembles jusqu'au trépas. Ou au divorce, suicide social que ça serait pour Gokiburi. Et en tant que femme Japonaise, il était même essentiel que ses pensées soient tournées vers son époux, qu'elle devait aider en prodiguant nourriture et confort avant et après le travail. Parce que s'il venait à échouer quelque part, s'il finissait tardif, ou incompétent, ou distrait, ou fatigué, c'est parce que elle avait échoué, quelque part, et il en avait payé le prix fort.
Mais leur union n'avait jamais été normale. Et pas parce qu'elle était une chamane maudite. Non. Aux yeux de la populace, Gokiburi était une femme tout à fait normale, au nom ignoré par quatre-vingt-dix-neuf pourcent des gens qu'elle voyait dans la journée, qui n'avait besoin que d'une alliance visible sur son doigt pour parfaitement se fondre dans la masse. Au pire, on lui reprocherait d'aller au travail quand son mari était là pour ça, mais soit. Elle restait une vision parfaite de l'épouse nippone aux yeux de tous. L'anomalie dans le mariage, c'était Keisuke. Le gaijin. Condamné à être un paria éternel par simple acte de naissance.
Gokiburi ne l'avait pas méprisé comme d'autres. Peut-être parce qu'elle savait ce qu'il traversait, peut-être car ça l'arrangeait. Mais un fait lui était clair maintenant : c'était son époux. Attraction inexistante ou non, c'était son mari. Et plus important, c'était quelqu'un
d'encore plus bas dans l'échelle sociale qu'elle. Quand elle s'occupait de lui, ou qu'elle lui envoyait des messages, ou qu'elle se contentait de passer du temps avec lui, elle le faisait en sachant que, homme ou non, c'était elle qui était en position de supériorité. Parce que c'était la Japonaise pure-souche.
C'était très rare pour Gokiburi de connaître quelqu'un de moins bien positionné qu'elle dans une hiérarchie, sociale ou surnaturelle. Elle n'y avait pas pensée tout de suite mais la question lui monopolisait la tête dès qu'elle n'était pas occupée avec quelque chose d'important. Et elle était occupée avec quelque chose toute la semaine, ce qui tombait bien pour elle. Entre les assassinats, sa quête constante de présentabilité et son travail, il lui était difficile de s'arrêter pour y réfléchir. Et même le soir une fois rentré, il lui fallait manger et se coucher tôt pour sa journée du lendemain.
Mais le week-end (le terme n'était t-il pas hérétique dans un pays comme le leur ?), c'était différent. Et Gokiburi avait entamée son Samedi avec une de ses activités favorites : s'allonger dans sa baignoire, mettre juste assez d'eau chaude pour que la moitié de sa tête émerge du liquide, et puis stresser silencieusement sur sa vie, sur sa malédiction, sur les Zen'in et sur Keisuke. Keisuke, qui était donc en position de faiblesse sociale, avec une femme qui ne lui offrait pas d'affections. Mais ça, c'était bien parce que lui-même n'était pas très intéressé. Mais ce manque d'affection, elle craignait, pourrait finir par se faire remarquer.
Elle le voyait en ligne, des femmes montrant des photos d'elles avec leurs maris, visitant de jolis endroits, mangeant au restaurant et se prélassant dans les parcs publics (mais de façon respectueuse). L'absence de telles photos pour Gokiburi et Keisuke pourraient être... préoccupantes. Elle voyait déjà des agents du gouvernement écumer son arsenal photographique et, après n'avoir trouvé aucune photo montrant le jeune couple ensemble et heureux, lancer un drone sur leur appartement pour les punir de leur manque de contribution à l'harmonie Nippone.
Ce serait fâcheux si ça arrivait. Un appartement pareil à Tokyo ne se trouvait pas facilement.
La jeune femme fronça des sourcils dans son bain. Peut-être que Keisuke voulait qu'ils soient des colocataires plus qu'un couple mais aujourd'hui, elle comptait bien protéger leur appartement d'attaques de drones explosifs.
...
Il fallait lui introduire le problème de manière douce. Gokiburi n'osait pas ordonner à son mari de l'aider à faire des photos. Gaijin ou non, il restait l'homme de la maison et elle n'avait aucune envie de le gêner. Du coup, il fallait qu'elle essaye de le convaincre. Peut-être qu'elle pourrait lui promettre de lui faire un bon plat pour le soir ? C'était un homme, ils aiment manger les hommes, non ? Peut-être qu'elle pourrait le tenir ce soir, aussi ? Bon, il n'était pas très intéressé, mais ça pourrait l'exciter. Il était un étranger, ils sont très excités par le toucher, dans ces étranges contrées.
Gokiburi avait attendu assez longtemps en tout cas. Elle devait l'intercepter avant qu'il ne parte. Elle en était sortie du bain en vitesse, les cheveux toujours mouillés, ses vêtements vite enfilés, pour ne pas avoir à communiquer son message par téléphone. Ils liraient.
Mon époux.
Gokiburi passa sa tête depuis la porte, afin de voir s'il n'était pas trop occupé. Qu'il le soit ou non, elle s'aventura vers lui, s'asseyant à côté du grand blond. Une fois assise, elle fit une moue de la tête puis se passa la main sur le crâne pour se chasser les cheveux en arrière, et leva des deux bras pour les passer autour de ses épaules, laissant ses mains reposer sur le vide derrière lui. Elle aurait pu les porter sur ses épaules, mais elle craignait d'être trop entreprenante. Elle espérait toutefois faire passer le message : c'était quelque chose d'important qu'elle allait dire.
Mais aussi, quelque part, ça le "forçait" à rester dans ses bras. Il ne pourrait pas lui échapper. Pas quand ses muscles étaient tendus comme des câbles d'acier.
Gokiburi tilta la tête sur la droite, l'oeil gauche à moitié fermé dans un regard qui se voulait aiguicheur, même avec son visage toujours coincé dans une expression de neutralité perturbée.
Profitons de ce Samedi pour faire des activités ensembles. Je comprends que vous... ne convoitez pas ma chair, mais il est important de paraître comme un couple aux yeux des autres.
Un peu inconfortable de lui dire, comme si elle allait lui révéler une vérité capable de lui fendre le crâne en deux, Gokburi pencha les lèvres vers son oreille droite.
le gouvernement pourrait nous envoyer des drones sinon
lumos maxima