LANCEMENT DU PREMIER EVENT le 01/04/2024Soyez au rendez-vous !
Gunma. Province du Kanto, et lieu désolé des plaques tectoniques. En voilà un drôle de moyen de profiter d’un séjour… Bien qu’il s’agissait, compte tenu de l’abondance de sources chaudes dans cette préfecture, d’une activité pourtant recherchée par ses ressortissants. Et lorsque la Lune, sinistre astre, présentait sa gueule repoussante, elle proposait, de par ses montagnes, un spectacle des plus ravissant.
C’était du moins ce que le Saké me faisait ressentir, pensais-je alors, d’un soupir las. Mon corps trempé jusqu’aux épaules, immergé dans cette eau tiède, je ne prévoyais rien d’autre pour cette nuitée, si ce n’était recouvrir de produits de beauté ma peau. Le spa sur lequel j’avais jeté mon dévolu n’avait rien d’un quatre étoiles : il s’agissait d’une auberge quelconque, d’une ville quelconque de la préfecture, éloigné des touristes et autres particuliers de la région.
J’évitais le monde, certes. Pour une raison particulière, j’en avais bien peur. Même que le penser me forçait des spasmes loin d’être glorieux, poussant mon corps à se perdre dans des frissons d’effroi, et d’appréhension. En effet, mon examen pour la Daigakuin approchait à grands pas, et avec celui-ci, des mois entiers de stress, cumulés sur mes épaules. Un petit détour à ce Onsen n’avait rien de l’efficacité qu’on vantait à ces établissements, tant la crispation demeurait, même dans cette situation précise. On marmonnait derrière mon dos, envoûtait mes propres insécurités pour venir les flageller à coup de matraque bien visée.
Tant de mots, pour avouer l’inévitable : le stress était un état bien catastrophique qu’un futur procureur pouvait bien avoir, dans ce genre de situation. Et pourtant, me voilà assez stupide pour me perdre dans cet étau ridicule d’insécurités et autres défauts à vomir. Cela n’allait pas. Au contraire, j’en revenais presque à vomir sur place, tant cette dénonciation me dégoûtait. Au milieu de ces membres de mon clan, qui ne me voyaient que comme une porte d’entrée vers l’Orthodoxie, d’autres qui voulaient de moi que la gloire d’antan des Fujiwara resplendisse dans tout le Japon, je n’avais rien, ni personne, avec qui partager cet effroyable état d’âme, ridicule à souhait et malléable comme de la boue.
Pour pouvoir attribuer une plainte de la sorte, je devais me sortir de cet état d’esprit ridicule. Et pour ce faire, le changement de décor était un bon commencement ; le Kansai me manquerait presque, si je ne retrouvais pas un certain charme uniforme au bourg où je me trouvais, une sorte d’accalmie silencieuse qui valait bien tout l’or de l’Empire. Dans le cadre actuel, rien ne pouvait réellement me dévisser de mon stress ; il y avait toutefois un moyen pour moi de me dédouaner de tout semblant d’évincement, et cela, il s’agissait de mon prochain arrêt.
Une fois les sources chaudes bien assimilées, et l’espoir d’un renouveau remanié, il ne me restait plus qu’une chose, que je me permis d’effectuer dès lors que l’établissement me souhaita une bonne soirée. Vêtue d’un kimono floral, acheté pour l’occasion, mes cheveux encore légèrement trempés, et les boucles d’oreilles absentes, je me permis de me déplacer au rythme du son de mes sandales, frappant le sol à intervalle irrégulier. Il fallait le dire… Malgré le temps bon, merci le réchauffement climatique, se déplacer dans des godasses aussi malingres ne me permettait qu’une marche désordonnée, que j’accentuais à coups de pistons, exacerbés par mon énergie occulte. Quitte à l’apprécier comme il se devait… Autant le faire de manière cohérente.
Mon chemin me mena donc à un temple. Quelconque. Presqu’abandonnée, je dirais, si les quelques couples que je croisais sur le chemin me disaient bien quelque chose. Mes pas, eux, restaient lents, quoique lourds, à présent. Les escaliers menant à l’établi ne manquaient pas de me faire souffler, alors que ma réflexion me menait vers des détours distordus : que faisais-je, exactement ? Je n’étais pas croyante. Les dieux n’existaient pas, ce monde n’était peuplé que de fléaux et de démons. Mais j’étais tout de même attirée par cette pratique, ridicule, qu’était la prière.
Les marches, au nombre de la centaine en tout, me menèrent enfin vers ce fameux temple. Bien moins délabré que ce à quoi je m’attendais, il semblait même qu’il fût en réalité aménagé, au vu de l’état des lieux : propre, accueillant, je ressentais toutefois autre chose en ces lieux, qui ne m’échappa guère. Une frénésie insistante, oppressante, qui ne m’empêcha pas de m’approprier l’endroit, à la manière d’un conte à la fin misérable.
Les rituels ne m’étaient pas inconnus, en revanche, alors je m’y attelais sans complication. D’abord saluer le Torii à l’entrée, puis purifier mes mains, à l’aide de la fontaine, toujours au même endroit. Une fois cela fait, je retirai de ma poche une pièce d’un unique Ryo, que je déversais dans la boîte conservant les dons, avant de sonner légèrement la cloche.
– Heh.
C’était… D’un ridicule. Encore une fois, loin d’être croyante, ces pratiques avaient pour moi l’effet d’un jeu pour enfant. Alors, cela restait dans la tradition du pays ; je m’efforçais donc d’effectuer ce rituel à la lettre. Pour autant, je savais bien que les fléaux ne fuiraient pas à cause d’un son pareil ; du moins, pas ceux assez puissants pour être un problème pour moi.
Il ne me restait plus qu’à joindre mes mains avec force, informant à la divinité locale que j’étais bien présent. Et à présent à genoux, je n’avais plus qu’à… Prier ?
– Je n’ai jamais prié de ma vie. Mais je suppose qu’un coup de pouce concernant mon examen ne serait pas de refus.
Simple. Efficace. Stupide. Les trois adjectifs que j’attendais de ma première prestation depuis des années. À en croire mon propre cœur, j’étais là toute autant ridicule qu’un maudit d’une famille principale de l’Orthodoxie le serait. Mais j’étais encore loin de me douter à quel point ce choix, ce ridicule, transformerait ma vie du tout au tout.